Une condition au rattachement donnée par Cheikh Zakî ed-Dîn

*

Les critères de rattachement, c’est-à-dire ceux qui permettent d’apprécier proprement la qualification du prétendant à l’initiation, pour autant qu’on les connaisse, peuvent varier notablement selon les turûq, les Maîtres et les éventuels futurs disciples, si bien que c’est un aspect de la question qu’il est certainement difficile d’évoquer autrement que par des généralités.

Nous présentons néanmoins un exemple qui nous a été rapporté de Cheikh Zakî ed-Dîn.

Il est en effet connu au sein de la Tarîqah que le Cheikh demandait au prétendant à la bay’ah (c’est-à-dire au pacte initiatique conclu dans une optique de réalisation spirituelle effective –sulûk) qu’il vienne réciter à la zawyah-mère du Caire le Hizb es-sahar, avant le point du jour, quarante nuits consécutives. Il fixait comme condition qu’il recommence le décompte dès le début s’il manquait une seule nuit, eût-elle été la dernière. Il rattachait ensuite ceux qui réussissaient, certains dès la première fois, d’autres après quelques efforts tandis que d’autres enfin n’y parvenaient jamais.

Au premier abord, cette méthode peut paraître assez déconcertante, par l’aspect apparemment extérieur pris en considération par un Cheikh dont on aurait pu attendre et accepter, étant données sa réputation et sa dimension spirituelle, qu’il mette en œuvre des critères à la fois plus élevés et plus intérieurs pour apprécier, de manière strictement unilatérale, la qualification des candidats à l’initiation. Toutefois, et sans connaître les motivations réelles de Cheikh Zakî ed-Dîn en la matière, on peut certainement remarquer que cette manière de faire est parfaitement cohérente avec ce qui est connu de l’esprit méthodique général de la Tarîqah qui consiste à mettre toujours le disciple au centre même du processus initiatique, le Cheikh n’accomplissant jamais, extérieurement du moins, que le rôle d’un indicateur ; et le fait que cette méthode s’applique même ici avant le rattachement proprement dit nous apparaît également très significatif  du souci marqué qu’apportait Cheikh Zakî ed-Dîn à appliquer cette « sunnah » le plus tôt possible dans la démarche du murîd vers le sulûk.

Nous ne savons pas si cette méthode est toujours strictement en application au Caire, bien qu’il nous semble que l’évolution cyclique ait amené à alléger une condition dont la réalisation semblait pourtant devoir être relativement accessible.

Quel que soit le lieu, la question de savoir comment il est possible d’adapter une telle pratique en Occident actuel se pose pourtant de manière nécessaire : quel critère de participation peut-on retenir, sans qu’il soit plus contraignant que le précédant, qui respecte la caractéristique méthodique soulignée ? Est-il envisageable de demander au prétendant d’agir de la sorte, quand on sait que l’étendue de la ville du Caire couvre certainement celle de toute grande ville française (plus de quatre fois celle de Paris, par exemple) ? Quel murîd accepterait d’accomplir une telle pratique, non pas nécessairement à la zawyah existante, mais même à la mosquée la plus proche de son domicile ? Devrait-on en arriver à envisager de ne s’en tenir qu’à sa propre sajjadah ? Pourrait-on envisager, en transposant l’effort personnel à celui que l’on peut développer au sein d’une pratique collective, de considérer la période de quarante séances successives de Travail collectif, à raison d’une à deux séances par semaine (5 à 10 mois) ? Ou bien à dix fois moins uniquement ? Ou demander qu’on y assiste à deux seulement quand on voit, parfois, qu’il semble difficile d’obtenir que, pendant une période d’un an, on assiste à trois séances successives ? 1

Comme on l’a vu, le critère retenu comme condition pour le rattachement est d’ordre extérieur, pleinement appréciable au premier chef par l’intéressé lui-même. Sa réalisation implique et exige, comme il en est également de toute la Voie , une certaine détermination générale et une capacité à adopter une attitude active, même relativement minime, de manière durable et continue.

Et Allah est Plus Savant

*

  1. On sait que c’est à partir de trois que commence proprement la multiplicité []

par le 15 octobre 2015, mis à jour le 20 octobre 2015

Mots clés : ,