Caractéristiques générales de l’œuvre de René Guénon – O.C.

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Nous avons eu l’initiative, il y a quelques années, d’envisager le regroupement des efforts de musulmans ayant lu et adhéré à l’œuvre de René Guénon en vue de contribuer à la conservation, à la compréhension et à la diffusion de son œuvre.

Cette idée a rencontré un chaleureux accord de principe auprès des quelques personnes contactées, qui s’est finalement traduit par un arrêt des concertations qui s’étaient déroulées pendant presque une année, arrêt aussi brutal qu’inexpliqué, lorsqu’il fallut arriver à un aboutissement concret qui aurait, notamment, impliqué la participation de chacun au sein de travaux faits en commun. La quasi totalité des idées exprimées alors se sont pourtant trouvées exprimées ensuite, voire effectivement développées, mais à titre individuel ou dans tel ou tel groupe particulier, de manière indépendante et sans qu’aucune référence ne soit faite au travail de réflexion évoqué.

Des voix se faisant entendre actuellement autour d’un projet identique ou semblable, il nous est apparu utile de nous exprimer, cette fois publiquement, en réfléchissant aux conditions qui pourraient être favorables à son éventuel accomplissement.

Comme elle le fut alors, notre démarche consiste toujours aujourd’hui à tenter de comprendre quelles sont les caractéristiques que devraient avoir le projet en question s’il voulait chercher à être aussi représentatif que possible de l’ampleur et de l’élévation de l’œuvre : quelles sont donc les caractéristiques actuelles de l’œuvre de René Guénon ?

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Il apparaît immédiatement nécessaire de définir ce que l’on entend par ce terme, car si l’aspect le plus important de l’œuvre de René Guénon est bien évidemment son contenu, il semble important de ne pas exclure ce qui concerne l’état des publications qui en assurent la diffusion (publique ou privée), ainsi que les aspects qui concernent l’état des droits, de différentes natures, qui y sont afférents.

Notre but n’étant pas ici de faire une étude exhaustive de l’œuvre de René Guénon, nous citerons les thèmes qui nous apparaissent les plus importants et caractéristiques :

  • Présentation du point de vue traditionnel en général, des principes traditionnels et de leurs applications
  • Critique du point de vue profane et de ses manifestations
  • Principes métaphysiques
  • Hiérarchies et fonctions spirituelles
  • Données sur l’initiation
  • Données sur les cycles cosmiques et l’eschatologie
  • Symbolisme

Il apparaît donc qu’un projet qui se donnerait comme but de prolonger ou de défendre cette œuvre, devrait être capable d’exprimer tout ou partie de ces aspects.

Par ailleurs, s’il semble bien qu’aucune personnalité unique n’ait eut, à ce jour, la capacité de tenir, à elle seule, une telle charge, ni ne recueille l’agrément de tous dans cette fonction, il semble donc bien qu’une telle tâche impliquerait autant d’efforts et d’œuvres multiples et qu’il serait ainsi nécessaire de ménager la possibilité que les actions et les travaux qui auraient lieu dans le cadre d’un projet de ce genre puissent être effectués par  au moins autant de représentants différents que de formes traditionnelles concernées.

Se poserait alors la question de la fidélité à l’œuvre de René Guénon : comment serait-elle garantie ?

La formation d’un organe responsable de cette fonction au sein du projet, apparaît, elle aussi nécessaire, qui aurait pour tâche principale d’apprécier et de réguler ce qui serait retenu ou pas comme étant conforme à l’œuvre guénonienne et qui, par ce critère, pourrait recevoir un soutien. Par qui et comment cet organe serait-il constitué ? Quels seraient ses compétences et ses critères de choix ? Comment, enfin, s’exprimerait son autorité et quelle serait nature de celle-ci ?

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La destination de l’œuvre de René Guénon, qui était, du vivant de l’auteur, centrée sur le lectorat occidental, semble pouvoir être de nos jours étendue, autant que s’est étendu, depuis, l’esprit occidental moderne qui a pénétré des milieux dont on pouvait penser qu’ils étaient encore, du vivant de l’auteur, au moins en partie suffisamment protégés.

A ce titre la « mondialisation », avant que d’être matérielle, est à l’évidence une expression de l’envahissement des milieux orientaux par les hordes agressives des idées du monde profane, anti-traditionnel et anti-initiatique. Elle montre bien l’intérêt, voire la nécessité, qu’il y aurait à tenter d’élargir la diffusion de l’œuvre guénonienne d’une manière beaucoup plus importante, parce qu’adaptée aux modalités mêmes de cette extension. Les difficultés principales, en dehors de ce que l’on pourrait qualifier de simplement « logistique », tiendraient alors probablement plus à la forme, ou aux différentes formes, qu’il conviendrait d’adopter pour s’adresser à des orientaux plus ou moins occidentalisés et aux problèmes de formulation du discours guénonien, dont il faudrait trouver les correspondances adaptées à autant de situations différentes.

Devrait-on envisager de diffuser alors l’intégralité de l’œuvre ou simplement de choisir, pour chaque situation, les parties qui sembleraient les plus directement compatibles et assimilables par ceux à qui l’on s’adresserait ? L’œuvre de Guénon est-elle un tout indivisible ? Supporterait-elle d’être ainsi « morcelée » et certains de ses défenseurs, habituellement parmi les plus zélés, qui pourraient, pourquoi pas, participer à ce travail, le supporteraient-ils eux-mêmes ?

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Peut-on, enfin, totalement dissocier l’œuvre de René Guénon de son auteur ?

Peut-on également dissocier l’aboutissement extérieur de celle-là de l’évolution personnelle de celui-ci ?

Peut-on, notamment, ignorer, quel qu’ait été le cheminement traditionnel intérieur et extérieur de celui qui n’utilisa, dans son œuvre, les références à l’Islam que d’une manière pourtant assez parcimonieuse, qu’il devint ultimement musulman puis se rattacha au Taçawwuf, se maria et eut des enfants en vivant les vingt dernières années de sa vie en Egypte, où il fut enterré ? Et se poserait-on, d’ailleurs la question, s’il ne s’agissait pas de l’Islam mais de n’importe qu’elle autre forme traditionnelle ? La réponse nous semble venir de la considération simple d’un état de fait : les droits directement afférents à son œuvre publique appartiennent actuellement à sa descendance, et notamment, à un fils qui naquit (est-ce un hasard ?), non pas du vivant de son père mais quelques mois après son décès. Or force est de constater que celui-là même qui insista tant, de son vivant, sur l’importance de distinguer entre ce qui est universel, métaphysique, impersonnel et ce qui ne l’est pas, n’a pas pris de disposition pour empêcher que les droits de son œuvre écrite échappent à l’ordre normal des choses et qu’on ait, donc, après lui, à les considérer, traditionnellement et légalement, sous ces rapports.

Si l’on sait, après ce qu’il en dit lui-même, que les idées et les conceptions appartiennent réellement, de fait et de droit, à ceux qui les comprennent, peut-on ignorer que leur diffusion matérielle et publique est, en une certaine mesure, dépendante des capacités qu’auront les ayants-droits légaux à assurer cette tâche ?

Comment se fait-il que de trop nombreux livres de René Guénon soient à ce jour inaccessibles parce qu’épuisés et que tant d’articles, jamais regroupés dans des livres, n’aient fait l’objet d’aucune réédition ?

La compréhension des idées dont ils étaient porteurs se limiterait-elle ainsi, pour ceux qui les ont pourtant bel et bien reçues, à se satisfaire de pouvoir aligner, comme une marque tangible et rassurante d’élection et de privilège, dans leur bibliothèque, l’intégralité des livres de celui envers lequel ils affirment être tellement reconnaissants ? Est-ce ainsi que l’on dissocie ce qui est de l’ordre des idées de ce qui est matériel, en prétendant qu’une fois lue et comprise, l’œuvre de René Guénon n’aurait plus grand’ intérêt ?

Est-ce l’exemple qu’a donné celui qui passa sa vie à transmettre, par ses écrits, à l’Occident ce qui aurait pu le sauver ? S’est-il contenté de thésauriser des connaissances qui, parce qu’elles sont précisément « traditionnelles », n’ont pas d’autre destin que celui d’être transmises à ceux qui sauraient les comprendre puis les mettre en oeuvre ? Combien de temps encore laissera-t-on se dégrader de cette manière ces aspects pour risquer qu’un jour ils échappent à ceux entre les mains desquels la Providence a voulu, clairement, qu’ils échoient ?

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Une autre partie de l’œuvre écrite de René Guénon est celle qui figure dans sa correspondance personnelle, et les polémiques qui se sont faites à son propos, de manières aussi diverses que parfois incongrues, ne doivent finalement pas faire oublier sa réalité, sinon son importance. Il conviendrait, pour ce qui nous en semble, de préciser, avant même de se poser la question de savoir ce qu’on aurait à en faire, de quoi l’on parle, si l’on veut être compris ou, au moins, entendu :

  • A qui est destiné le contenu d’une lettre et à qui appartient-il ?
  • Quelle est sa destination ultime et son statut, par rapport au contenu de l’œuvre publique ?
  • La correspondance personnelle peut-elle compléter, contredire ou infirmer l’œuvre publique ? Et si oui, dans quelle mesure ?
  • La publication de lettres personnelles est-elle possible et souhaitable sous le double rapport, déjà évoqué, du contenu intellectuel et du statut légal ?
  • Est-il, enfin, préférable que tout ou partie des lettres écrites par René Guénon soient publiées, mêmes sans que soient respectés les droits de ceux à qui elles appartiennent ou bien que les droits en question soient respectés, quelle que soit l’importance de ce qu’elles contiennent ?

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Il nous faudrait étudier aussi non plus l’œuvre directe de René Guénon en elle-même, mais ses prolongements, car quel aurait été son intérêt si elle en n’en avait pas eu ? Mais cette tâche demanderait un travail trop important pour pouvoir figurer au sein des quelques présentes réflexions. Disons cependant qu’il nous semble difficile de mesurer avec précision l’importance qu’ils ont eue à une échelle autre que simplement individuelle. Nous ne voyons pas, personnellement, que des travaux aient eu, à ce jour, suffisamment de consistance et d’effectivité pour pouvoir répondre à ce pour quoi ils avaient été sollicités en Occident, c’est-à-dire une œuvre de restauration traditionnelle. Il semble, par contre, que l’intégration d’occidentaux dans des traditions orientales (nous voulons principalement parler ici de l’Islam), ait été suivie de réalisations en tous cas relativement abondantes et a priori, très prometteuses par leur qualité.

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A la simple évocation de ces questions et devant l’étendue et la difficulté de tels objectifs, il convient donc d’être raisonnable, sinon pragmatique et modeste et, en tous cas, de faire preuve d’un certain réalisme : est-il concevable d’entreprendre une telle œuvre quand on observe les tentatives, les difficultés et les impasses, qui ont pu se faire jour, à la suite de l’auteur, dans ces différents domaines ? Ces efforts seront-ils suffisants et ceux qui les déploient sauront-ils, dans ce qui peut, bien souvent, prendre aussi les aspects d’une véritable débâcle, rendre prioritaire ce qui est traditionnel sur ce qui est individuel et trouver les moyens de s’organiser ensemble de manière efficace ? Tel est, selon nous, l’unique enjeu actuel, qui semble conditionner tout ce qui pourra être fait en ce domaine, et qui sera la marque distinctive de ceux qui auront la puissance et la hauteur nécessaires à la réalisation d’un projet traditionnel cohérent, quel qu’il soit.

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Dans la perspective annoncée de réfléchir aux composantes mêmes de l’oeuvre publique de René Guénon, nous éditons progressivement ici des comptes-rendus conçus pour fournir une présentation générale qui pourra servir à des études thématiques.

15 juillet 2016 – V3

Malgré l’incompréhension de certains devant notre position d’extrême prudence en temps de fitna (sédition), nous garderons l’attitude traditionnellement conseillée.

Nous conseillons à ceux à qui la connaissance des principes en ce domaine ferait défaut de s’enquérir auprès des propres autorités qu’ils reconnaissent de savoir ce qu’il en est et d’adopter une attitude intellectuellement régulière et pratiquement acceptable.

Dans cet esprit, nous continuerons impassiblement à développer notre action, autant que Dieu le voudra. En l’occurrence, nous reprenons le présent travail tout en rappelant l’ouverture qui a toujours été la notre de solliciter une coopération.

  • Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues
  • Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion
  • L’Erreur spirite
  • Orient et Occident – 1924
  • L’Ésotérisme de Dante – 1925
  • L’Homme et son devenir selon le Vêdânta –  1925
  • Le Roi du Monde
  • La Crise du monde moderne –  1927
  • Saint Bernard –  1929
  • Autorité spirituelle et pouvoir temporel –  1929
  • Le Symbolisme de la Croix –  1931
  • Les États multiples de l’Être – 1932
  • La Métaphysique orientale –  1939
  • Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps –  1945
  • Les Principes du Calcul infinitésimal –  1946
  • Aperçus sur l’Initiation – 1946
  • La Grande Triade – 1946

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par le 3 mai 2009, mis à jour le 21 juillet 2016

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