14 – En quels termes René Guénon définit-il lui-même le rattachement à une organisation initiatique régulière ?

Réponse d’Olivier Courmes

V2 – 11 sept 2010

Il nous est personnellement apparu qu’une lecture un peu attentive et spécifique sur cette question, montre deux choses :

  • La première est que Guénon évoque quasi invariablement, dans ses Aperçus, l’éventualité d’un rattachement qui se ferait « à une organisation traditionnelle régulière ».
  • La deuxième est qu’il n’emploie jamais, sauf erreur de notre part, l’éventualité d’un rattachement à un Maître spirituel ; il est vrai qu’il parle de l’importance de l’enseignement initiatique qui peut être donné par un Maître, ce qui peut faire conclure qu’un rattachement à un Maître est donc strictement nécessaire, si l’on considère que c’est l’enseignement d’un Maître qui détermine le rattachement à une tarîqah, ce qui est loin d’être le cas chez Guénon puisqu’il définit toujours celui-ci comme la conséquence de la transmission de l’influence spirituelle véhiculée par la tarîqah.

Si l’on s’en tient donc strictement à ce qu’écrit René Guénon, on constate (même dans l’éventualité qu’il puisse envisager parfois le rattachement à un Maître), qu’il envisage systématiquement (ou presque mais, dans ce cas, que l’on nous montre où il ferait autrement) le cas du rattachement à une collectivité initiatique.

On a certes donné une explication à cela en disant qu’il s’adressait, dans la forme, principalement ou exclusivement aux francs-maçons, et qu’ainsi la possibilité du rattachement à un Maître n’avait pas à être envisagée, de toutes façons pas de la manière selon laquelle elle pourrait l’être concernant les turûq ; et il semble, en effet qu’il y a là quelque chose de fondé, en partie au moins.

Néanmoins, et ceci étant dit, cela empêche-t-il, avant de considérer ce que Guénon n’envisage pas directement (c’est-à-dire, selon notre lecture, le cas du rattachement à un cheikh), de considérer ce à quoi correspond en Islam ce qu’il envisage, par contre directement, dans son œuvre sur l’Initiation, c’est-à-dire le rattachement à une organisation régulière ?

Si l’on prend la peine de se poser la question de cette façon (et cela revient à se demander tout simplement à quoi correspond en Islam ce que René Guénon envisage éventuellement aussi pour une autre forme initiatique), la réponse est, nous semble-t-il, claire et immédiate : il s’agit précisément de ce que l’on appelle en Islam le rattachement à une Tarîqah en mode de tabarruk (c’est-à-dire effectivement à une organisation initiatique collective et non à une personne), rattachement caractérisé par la transmission et la réception de la barakah, mais qui s’effectuerait sans rattachement personnel à un Maître.

On pourrait se demander quel est l’intérêt d’une telle démarche ; et avec d’autant plus d’insistance que l’on admettrait l’importance de l’enseignement du Maître, importance que ne renie d’ailleurs pas totalement Guénon, c’est entendu.

Mais quand même : il s’agit de bien autre chose que de « sortir » de la lecture de Guénon en étant persuadé que le rattachement à un Maître est une chose absolument nécessaire, persuadé que c’est Guénon lui-même qui le dit et que rien d’autre n’est envisageable pour lui, alors qu’il est lui-même le premier à envisager, a priori un mode différent (= en priorité, le rattachement à une organisation initiatique régulière), … solution qui se trouve avoir une correspondance directe dans les turûq.

Si une telle lecture est envisageable (et chacun est bien sûr libre d’avoir celle qu’il veut, pour autant qu’elle soit, tout d’abord, textuellement fondée mais, également, logiquement justifiée, intellectuellement cohérente et traditionnellement réaliste), la perspective d’un rattachement islamique pourrait ainsi être notablement différente de ce qui est proposé habituellement par les turûq de nos jours et de ce qui est compris par celui (ou celle) qui cherche un rattachement : on pourrait envisager de se rattacher valablement à une Tarîqah sans se rattacher nécessairement et immédiatement au Cheikh qui la dirige.

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Article thématique correspondant

MAITRE SPIRITUEL ET ENSEIGNEMENT

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par le 11 septembre 2010, mis à jour le 11 juillet 2015

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